L’intelligence artificielle pour un dépistage précoce de la schizophrénie

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Rédigé par Deborah L. et publié le 9 février 2021

La schizophrénie est une maladie psychiatrique dont les facteurs de risque sont essentiellement génétiques. Les chercheurs tentent aujourd’hui de mieux les définir en vue de mieux prévenir son apparition. Et s’il était désormais possible de faire un dépistage précoce de la schizophrénie chez les proches parents de patients atteints de schizophrénie ? C’est ce que suggère une récente étude selon laquelle un outil d’intelligence artificielle pourrait constituer une aide diagnostique précieuse.

Schizophrénie et famille

Touchant près de 600 000 personnes en France, la schizophrénie désigne une maladie psychiatrique qui se déclare le plus souvent pendant l’adolescence et se manifeste essentiellement par des hallucinations et des délires. Les symptômes de ce trouble sont très variables d’un patient à l’autre et évoluent au cours du temps (paranoïa, mégalomanie, hallucinations auditives, isolement familial et social, insensibilité au monde extérieur, désorganisation de la pensée, des paroles, des émotions et des comportements etc…). La schizophrénie est généralement traitée au moyen de médicaments, d’une psychothérapie et d’une stimulation cérébrale.

À savoir ! Dans plus d’un tiers des cas, la schizophrénie se manifeste par des débuts aigus, avec des bouffées délirantes nécessitant d’hospitaliser le patient.

Si les facteurs de risque de cette maladie sont essentiellement génétiques, les chercheurs tentent aujourd’hui de mieux comprendre ce trouble et ses origines, dans l’objectif d’intervenir le plus tôt possible pour en prévenir la sévérité. Les parents au 1er degré (frères, sœurs ou enfants) de patients atteints de schizophrénie ont d’ailleurs jusqu’à 19% de risque de développer une schizophrénie au cours de leur vie alors qu’au sein de la population générale, ce risque s’élève à moins de 1%.

Dans ce contexte, des chercheurs canadiens de l’université d’Alberta viennent de franchir une nouvelle étape dans le développement d’un outil d’intelligence artificielle capable d’un dépistage précoce de la schizophrénie.

À savoir ! L’intelligence artificielle désigne un domaine de recherche en pleine expansion dont les applications permettent de prodiguer des soins médicaux de meilleure qualité. Les opérations assistées par ordinateur, les prothèses intelligentes, ou encore les traitements personnalisés grâce au recoupement de données en sont plusieurs exemples.

 

Dépistage précoce de la schizophrénie : Un nouvel outil

Développé par une équipe de chercheurs canadiens et l’Institut national indien de la santé mentale et des neurosciences, cet outil d’intelligence artificielle est basé sur un algorithme d’apprentissage automatique : « L’objectif de notre étude était d’améliorer la précision de la prédiction diagnostique », expliquent les auteurs.

À savoir ! L’apprentissage automatique désigne une méthode fondée sur la représentation mathématique et informatique de neurones biologiques. Les algorithmes d’apprentissage profond (« deep learning ») en constituent un exemple. Ils s’inspirent du fonctionnement cérébral en simulant un réseau de neurones organisés en différentes couches, échangeant les uns avec les autres. Tout l’intérêt de cette approche réside dans le fait que l’algorithme apprend la tâche qui lui a été assignée par « essais et erreurs », avant de pouvoir se débrouiller en toute autonomie.

L’outil, baptisé EMPaSchiz, a été utilisé lors de précédentes études pour sa capacité à analyser les scanners cérébraux des patients avec une précision diagnostique de 87%. Pour mener à bien cette nouvelle étude, les scientifiques ont fait appel à cet outil d’intelligence artificielle dans un triple objectif :

  • Identifier les risques d’apparition de la maladie chez les proches parents de patients atteints de schizophrénie
  • Poser un diagnostic précoce
  • Mettre en place un traitement le plus rapidement possible

Les IRM de 57 personnes en bonne santé, apparentées au 1er degré à des patients atteints de schizophrénie (frères, sœurs ou enfants) ont ainsi été analysées. Il ressort de cette étude que l’outil d’intelligence artificielle a permis d’identifier précisément les 14 individus ayant obtenu le score le plus haut sur une échelle de traits de personnalité schizotypiques autodéclarés : «Notre outil basé sur des preuves examine la signature neuronale dans le cerveau, avec le potentiel d’être plus précis que le diagnostic par l’évaluation subjective des symptômes uniquement », déclare Kalmady Vasu, auteur principal de l’étude.

Par ailleurs, le chercheur précise que cet outil innovant a été conçu pour constituer un support de décision et n’a pas vocation à remplacer le diagnostic d’un psychiatre : «L’objectif est que l’outil aide au diagnostic précoce, étudie le processus pathologique de la schizophrénie et aide à identifier les groupes de symptômes». Il attire également l’attention sur le fait que si présenter des traits de personnalité schizotypiques peut rendre les patients plus vulnérables à la psychose, il n’est pas certain qu’ils développeront à terme une véritable schizophrénie.

Vers un outil de dépistage plus large ?

Prochaine étape pour les chercheurs ? Tester la précision de cet outil d’intelligence artificielle sur les personnes avec des traits schizotypiques et sans lien familial avec des patients atteints de schizophrénie. L’objectif sera de suivre ces personnes dans le temps pour savoir si elles développeront ou non une schizophrénie plus tard dans leur vie.

L’auteur principal de cette étude a finalement confié qu’il menait d’autres travaux utilisant ce même principe d’intelligence artificielle mais pour le domaine cardiovasculaire cette fois. L’objectif étant de développer des algorithmes visant à prédire la mortalité ou les réadmissions pour crise cardiaque chez les patients souffrant de pathologies cardiovasculaires : « Les pathologies mentales sévères et les problèmes cardiovasculaires provoquent des incapacités fonctionnelles et dégradent la qualité de vie. Il est très important de développer des outils objectifs, basés sur des preuves, pour ces désordres complexes qui affectent le genre humain ».

Nul doute que l’intelligence artificielle constituera à l’avenir un outil d’aide au dépistage précieux pour les cliniciens !

Déborah L., Docteur en Pharmacie

Sources
– AI used to predict early symptoms of schizophrenia in relatives of patients. sciencedaily.com. Consulté le 8 février 2021.
– Machine Learning Algorithm Classifies Schizophrenia With High Accuracy. psychologytoday.com. Consulté le 8 février 2021.
– Intelligence artificielle et santé. inserm.fr. Consulté le 8 février 2021.